Selon Vallerand et Thill (1993), le concept de motivation est « le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement ».
Le déclanchement fait référence à l’état passif ou actif de l’individu. La direction renvoie au choix que l’individu va faire, sur quoi va-t-il porter son attention ? L’intensité fait écho à l’effort fourni par l’individu. Enfin, la persistance est le fait de persévérer malgré les difficultés.
En ce sens, nous pouvons mesurer un certain type de motivations suivant les individus.
LA MOTIVATION OU LES MOTIVATIONS ?
Dans le milieu du sport compétitif, un athlète qui est motivé pour les « bonnes raisons » est un athlète plus performant (Gillet et al., 2009b). C’est pourquoi, il n’existe pas une seule motivation, mais des motivations comme le souligne la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000b).
Le type de motivation d’un individu est défini en fonction de son comportement. Le comportement est très spontané et très autonome, l’individu est motivé de manière intrinsèque. A l’inverse, le comportement de l’individu est contraint et répond à une pression, l’individu est motivé de manière extrinsèque. Si l’individu ne trouve aucun sens à ce qu’il fait, l’individu ressentira de l’amotivation.
Dans la motivation extrinsèque, nous pouvons définir des comportements plus ou moins autodéterminés (Sarrazin et al., 2015). La motivation extrinsèque différencie quatre régulations motivationnelles comme le montre la figure 1.
Figure 1: Continuum de l’autodétermination montrant les types de motivations et les styles de régulations, le locus de causalité et les caractéristiques correspondantes (Ryan & Deci, 2000b)
Finalement, un individu peut adopter un comportement autonome (locus de causalité interne) en étant motivé de manière extrinsèque. En ce sens, la dichotomie entre motivation extrinsèque et motivation intrinsèque est moins utilisée aujourd’hui. La théorie de l’autodétermination s’appuie sur la motivation autonome, la motivation contrôlée et l’amotivation. Les régulations identifiée et intégrée sont des motivations autonomes car l’individu arrive à intérioriser la demande externe ce qui n’est pas le cas pour les régulations introjectée et externe (Ryan & Deci, 2000b).
Le contexte
Ces motivations (autonome, contrôlée et l’amotivation) peuvent s’exprimer au niveau individuel selon trois niveaux hiérarchiques :
– Motivation générale : Comment/Par quoi un individu est-il motivé dans la vie de tous les jours (i.e. sa personnalité) ?
– Motivation contextuelle : Comment/Par quoi un individu est-il motivé dans un contexte particulier, un domaine particulier (e.g. au travail, dans le sport) ?
– Motivation situationnelle : Comment/Par quoi un individu est-il motivé dans une situation particulière (e.g. dans une réunion de présentation de projet, dans une séquence d’entraînement) ?
Figure 2 : Le modèle hiérarchique des motivations (Vallerand, 1997)
Ces trois niveaux de motivation sont en interactions perpétuelles (Figure 2). Par exemple, les motivations dans une situation vont avoir une influence sur les motivations dans le contexte.
Les motivations sont influencées à leur niveau par des facteurs sociaux par le biais des trois besoins psychologiques fondamentaux (i.e. besoin d’autonomie, de compétence et d’affiliation).
ANTÉCÉDENTS ET CONSÉQUENCES
La théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000b) suggère qu’ils existent trois besoins psychologiques fondamentaux universels à tout être humain. (1) Le sentiment d’autonomie renvoie au fait de pouvoir prendre ses propres décisions. (2) Le sentiment de compétence renvoie au sentiment d’être capable de réaliser une tâche. (3) Le sentiment d’affiliation renvoie au besoin de se sentir soutenu et de se sentir appartenir à un groupe. Ces trois besoins doivent être pleinement satisfaits pour tendre vers un fonctionnement efficace et une bonne santé mentale (Deci & Ryan, 2008). Le niveau de satisfaction de ces trois besoins peut être influencé par des facteurs sociaux comme la cohésion ou encore le style de management de l’entraîneur (Blanchard et al., 2009). Et lorsqu’ils sont satisfaits, les individus se comportent plus de manière autodéterminé.
Les formes de motivations adoptées par un individu ne sont pas sans conséquence. En effet, un haut niveau de motivation autonome renvoie à des sentiments positifs, une bonne santé mentale et à une grande persistance (Sarrazin et al., 2011). En contexte sportif, les athlètes avec un haut niveau de motivation autonome sont les plus performants (Gillet et al., 2009b ; Sandrin et al., 2019). En effet, l’effort par exemple, n’est pas perçu comme une obligation mais comme un apprentissage, un plaisir. De plus, en sachant intrinsèquement pourquoi l’individu pratique, qu’est-ce que ça lui apporte, l’athlète développe plus d’engagement envers l’activité (Pelletier et al., 2001) et va même jusqu’à avoir une fréquence d’exercices réalisés plus élevée (Lutz et al., 2008). A l’inverse, un haut niveau d’amotivation peut conduire à un état de burnout (Lonsdale et al., 2009. Isoard-Gautheur et al., 2012) et n’est pas favorable à la performance (Gillet et al., 2009a)
L’entraîneur peut jouer sur les motivations des athlètes. En effet, les athlètes sont plus motivés à performer si l’entraîneur communique de manière claire et directe envers ses athlètes (Bunning & Thompson, 2015). De plus, les athlètes sont d’autant plus motivés de manière intrinsèque que la relation entraîneur-entraîné est bonne (Nascimento Junior, 2020). En ce sens, l’entraîneur représente un facteur social qui peut agir sur les motivations des athlètes.
QUESTIONNAIRES
Les régulations motivationnelles. La version française (Viladrich et al., 2013) du Behavioral Regulations in Sport Questionnaire peut être utilisée pour évaluer le type et le niveau de motivations en répondant à la question « Pourquoi pratiques-tu ce sport ? ». Les participants répondent aux 24 items en utilisant une échelle de Likert allant de 1 (Pas du tout d’accord) à 5 (Tout à fait d’accord).
La satisfaction des besoins fondamentaux. Le questionnaire Satisfaction des Besoins Fondamentaux en Contexte Sportif (Gillet et al., 2008) peut être utilisé pour évaluer le niveau de satisfaction des trois besoins fondamentaux. Les participants répondent aux 15 items à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 (Pas du tout d’accord) à 7 (Tout à fait d’accord).
Ces questionnaires sont disponibles sur l’application Sportifeo : https://www.sportifeo.com/
Conclusion
Selon la théorie de l’autodétermination il existe différentes régulation motivationnelles plus ou moins autodéterminées. Ces régulations peuvent être regroupées sous trois formes : la motivation autonome, la motivation contrôlée et l’amotivation. Celles-ci peuvent s’exprimer de manière différentes suivant la situation, le contexte ou la personnalité de l’individu. Ces motivations sont influencées par la satisfaction des trois besoins psychologiques fondamentaux qui eux-mêmes sont influencés par des facteurs sociaux. Plus les besoins sont satisfaits, plus l’individu tendra vers un comportement autodéterminé qui amène une bonne santé mentale, des sentiments positifs, de l’engagement, etc. Dans un contexte sportif, l’entraîneur peut jouer un rôle dans l’orientation des motivations chez les athlètes et favoriser ainsi des motivations favorables à la performance.
Et vous, dans une situation, sur quel type de motivation êtes-vous ?
RÉFÉRENCES
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