L’entraîneur fait partie intégrante de l’environnement de l’athlète. Il est donc un facteur social pouvant influencer la satisfaction des besoins fondamentaux (e.g. sentiment d’autonomie, de compétence et d’affiliation) et les motivations des sportifs (plus d’informations sur les motivations et les besoins fondamentaux dans l’article précédent). Effectivement, son style de management a tendance à influencer le niveau et le type de motivation du sportif par le biais du sentiment d’autonomie (Blanchard et al., 2009). Leur manière de se comporter, de parler devant les sportifs ont un impact sur les comportements sociaux des sportifs (Allan & Côté, 2016).
Dans son mémoire de recherche, Baggio (2021) a décidé d’étudier l’impact de 2 caractéristiques de l’entraîneur sur les régulations motivationnelles des athlètes : l’intelligence émotionnelle et la résilience à travers la théorie de l’autodétermination (cf. article précédent).
L’intelligence émotionnelle, IE
Mikolajczak, en 2010, a proposé un modèle d’IE à trois niveaux en y intégrant les perceptions des 2 visions « pionnières » : l’IE comme une habileté (i.e. apprise et variant d’une situation à une autre ; Salovey & Mayer, 1990) et l’IE comme un trait de personnalité (i.e. stable dans le temps ; Petrides & Furnham, 2003) (Fig. 1). L’identification, la compréhension, l’expression, la régulation et l’utilisation de ces propres émotions et de celles des autres sont les cinq compétences de l’IE.
Figure 1 : Modèle tripartite d’IE d’après Mikolajczak (2010).
Certains auteurs préfèrent parler de compétence émotionnelle que d’IE car nous pouvons augmenter nos capacités d’identification, d’appréhension, de régulation… des émotions (Kotsou et al., 2011). Entraîner ces capacités n’est pas sans conséquence. Par exemple, si un entraîneur arrive à réguler les émotions de ses athlètes, la qualité de la relation entre lui et ses athlètes tendra à être renforcée (Braun & Tamminen, 2019).
La résilience
Fletcher et Sarkar (2012) propose la définition suivante appliquée au domaine sportif : « La résilience psychologique est définie comme le rôle des processus mentaux et du comportement dans la promotion des biens personnels et la protection d’un individu contre le potentiel effet négatif des facteurs de stress. »
Ces deux auteurs ont beaucoup travaillé avec des sportifs et notamment des sportifs de haut niveaux. Pour eux, dès que les sportifs sont face à un agent stresseur d’ordre personnel (e.g. famille), organisationnel (e.g. logistique de déplacements) ou compétitif (e.g. baisse des performances) … ils évaluent la situation grâce à leurs facteurs psychologiques développés pour donner une réponse adaptée (Fig. 2).
Figure 2 : Une théorie ancrée de la résilience psychologique et des performances sportives optimales (Fletcher & Sarkar, 2012).
Peu de travaux se sont intéressés à la résilience chez les entraîneurs. Cependant, nous savons que plus l’entraîneur est soumis à des agents stresseurs, plus il risque de développer un état de burnout, état qui n’est pas favorable à la performance. Cette relation est diminuée chez les entraîneurs résilients (Wagstaff et al., 2018b)
L’ÉTUDE
17 entraîneurs principaux (e.g., handball, football, rugby, waterpolo, hockey sur glace, athlétisme, gymnastique rythmique, sauvetage sportif, natation, aviron et skicross) ont participé à cette étude (34.4 ± 10.2 ans [22-65], 94% d’hommes). Les entraîneurs de sports collectifs (n=9, 53%) avaient en moyenne 12 athlètes prêts à participer à l’étude et les entraîneurs de sports individuels (n=8, 47%) avaient en moyenne 5 athlètes prêts à participer à l’étude. Au total, 146 sportifs ont pris part à cette étude (21 ± 6.6 ans [12-41], 66% d’hommes).
MESURES
Les entraîneurs et les athlètes ont rempli différents questionnaires (Tab. 1) sur la plateforme Sportifeo.
Tableau 1 : Présentation des différents questionnaires utilisés.
RÉSULTATS
Suite aux analyses multiniveaux, c’est-à-dire en prenant en compte le fait que chaque athlète appartient à un entraîneur, il est ressorti que la compétence émotionnelle et la résilience des entraîneurs n’influençaient pas directement les motivations des athlètes (Fig.3). En effet, le niveau de résilience des entraîneurs impactait de manière positive le niveau de motivation autonome et de manière négative le niveau d’amotivation des athlètes par le biais du besoin d’affiliation. Aucun résultat significatif n’a été observé pour la compétence émotionnelle.
Figure 3 : Modèle représentant la compétence émotionnelle et la résilience de l’entraîneur influençant les différents types de motivations des athlètes par le biais des besoins psychologiques. ***p<.001 **p<.01 *p<.05.
DISCUSSION & CONCLUSION
L’objectif de cette étude était d’établir des relations entre la compétence émotionnelle, la résilience de l’entraîneur et les régulations motivationnelles des athlètes en s’appuyant sur la théorie de l’autodétermination.
Bien que la compétence émotionnelle de l’entraîneur n’ait pas montré de différence significative, c’est une compétence à développer. En effet, elle permet la diminution du niveau de stress, du niveau de cortisol dans une situation perçue comme stressante mais aussi l’augmentation du niveau de satisfaction de vie (Kotsou et al., 2011).
Pour la résilience, les résultats ont montré que plus l’entraîneur est résilient, plus ses athlètes perçoivent une satisfaction du besoin d’affiliation. Ils sont alors plus motivés de manière autonome, et présentent un niveau d’amotivation plus faible. La résilience est caractérisée par des facteurs individuels psychologiques (i.e. la motivation, la concentration, la perception d’un soutien social, la confiance en soi et la personnalité positive) pour faire face à l’adversité (Fletcher & Sarkar, 2012). Un soutien social fort chez les entraîneurs résilients pourraient expliquer la relation résilience-besoin d’affiliation des athlètes. En effet, les relations avec les athlètes sont plus fortes pour faire face, ensemble, à l’adversité. La perception de satisfaction du besoin d’affiliation chez les athlètes augmente alors car la cohésion (sociale et opératoire) influence de manière positive le sentiment d’affiliation (Pacewicz et al., 2020).
L’entraîneur peut donc augmenter son niveau de résilience en travaillant sur la communication envers ses athlètes, ses croyances en ses capacités, sa capacité à se fixer des objectifs, sa capacité de concentration…
RÉFÉRENCES
Allan, V., & Côté, J. (2016). A Cross-Sectional Analysis of Coaches’ Observed EmotionBehavior Profiles and Adolescent Athletes’ Self-Reported Developmental Outcomes. Journal of Applied Sport Psychology, 28(3), 321-337.
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